Les monologues voilés

Publié le par Samarkande

   
 
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Les monologues voilés   
 
 
 
Elles sont belles, vives, enjouées, féminines, elles sont quatre sur la scène du Théâtre de Paris depuis octobre 2011 et jusqu'au 31 décembre à jouer la partition qu’Adelheid Roosen, metteur en scène hollandaise, a écrite pour elles.
 
C’est dans son pays que le choc a eu lieu, à la faveur d’une tournée de la pièce de théâtre «Les monologues du vagin» de Eve Ensler, Adelheid Roosen décide de composer une version dédiée aux femmes musulmanes habitant aux Pays-Bas. Elles viennent d’Arabie Saoudite, de Somalie, du Koweït, du Pakistan, du Maroc, d’Égypte, de Turquie, du Mali, d’Irak et d’Iran.
 
Un mot sur le titre qui peut prêter à confusion : ce qui est voilé ici ce sont les histoires de ces femmes qui depuis des millinénaires n'ont pas eu droit à la parole et a fortiori celle qui consiste à les libérer du poids, du fardeau du viol organisé lors de chaque mariage.
En douze tableaux de femmes, Les monologues voilés présentent le réel de femmes dans leur relation à leur mari, la plupart du temps faisant suite à un mariage arrangé par les familles, lors d’une tractation entre hommes. Toutes ont subi des violences propres à leur être le plus intime.
 
Le spectacle commence à l’heure et c’est si rare en France où l’on dispose de votre temps avec des débuts de spectacle souvent fantaisiste.
 
La construction du spectacle est bien faite : ouverture sur un tableau évoquant l'orient,une après-midi-thé musique et chant, entre filles et se termine par une scène de danse par l'une d'elle, magnifique.
 
Entre les deux, une série de femmes expose devant nous leur violence au quotidien, depuis leur enfance et celle de leur mère, héritée de leur culture, dictée par les hommes pour obtenir et conserver le pouvoir sur les femmes.
 
L’une d’elle dit :«J’ai découvert la haine, je haïssais le fait d’être une fille (…)d’un coup, j’ai perdu ma foi (…)Je détestais profondément profondément ma mère. J’ai perdu des années ».
Ce désir de l’homme- animal d’être le premier à posséder sexuellement une femme est si ancré. Pour les femmes, c’est un traumatisme toute la vie durant.
 
Si la fille n'est pas vierge, elle est alors répudiée sur le champ, frappée, lapidée à mort. C’est que l’honneur de l’homme, subordonné à la virginité de la femme, ne supporterait aucune défaillance devant ses pairs.
 
D’où vient donc cette scène primitive,bestiale qui veut que la femme doit être vierge et l’homme, exhiber sa virilité au vu de tous ?
 
Cela suscite encore tant de drames, tant de tragédies, des suicides, des vies brisées transmises de génération en génération.
 
Un tel spectacle vient briser les tabous. Il était temps ! A croire que la moitié du monde restait en plan, ne prenait pas la bonne direction de l’avenir.
 
S’appuyant abondamment sur le Coran et les hadiths, Adelheid Roosen démontre à tous et a fortiori aux musulmans qui croient connaître le Livre saint que «Le Coran ne mentionne pas l’hymen».
 
Et que : «Depuis les portes d’Istanbul jusqu’à Damas, un hymen est plus important qu’un tympan. Le second a le droit de se déchirer, pas le premier».
 
Dans la partie «Ma maison de poupées, un mythe» une des femmes vient nous démontrer s’il en était besoin ce qu’est un hymen à la naissance et comment il fonctionne.
Non seulement cette scène est très drôle parce qu’elle est jouée divinement bien sous la forme d’un professeur en talons et règle de classe, mais parce qu’elle se sert également de nous public pour faire sa démonstration à partir du matériau du chewing-gum mâché et étiré à souhait par ses comparses,sur un ton de scientifique très docte et savant.
C’est là qu’elle évoque une méthode venue du Caire consistant à maintenir le mythe de la virginité pour des filles qui ne le sont plus en utilisant un boyau d’animal rempli de sang dans le vagin de la candidate à une virginité retrouvée ! Rien que cela !
C’est sûr qu’à partir de là, on rit un peu plus jaune dans la mesure où l’actualité de ce qui se passe en Égypte ne nous inspire que dégoût et rejet vis-à-vis d’un pays qui se définit comme La mère de la civilisation, «om el hadhara» et bien il a beaucoup d’efforts à faire !
Pour donner des leçons de civilisation , il faudra repasser l’examen de passage!
En effet, que ce soit cette journaliste française violée récemment en plein jour, ces égyptiennes qui subissent des violences de même acabit dans les commissariats ou prisons par des militaires, que ce soit les films tel ce «Femmes du Caire» traumatisant sous tous les plans par sa violence sur le corps des femmes.
Quelque chose de fondamental doit se metttre en route, qui consiste à éduquer hommes et femmes, fils et filles dès le plus jeune âge, mais aussi politiques, cinéastes, auteurs, hommes du peuple et filles des campagnes pour que ce genre de choses qui salit l’humanité entière, ne se reproduise plus.
Heureusement, un spectacle comme celui-ci, redonne du baume au cœur, de l’énergie, marque d’un croissant de lune blanc «un avant et un après ».
Nous ne sommes plus seules à penser, à refuser, à nous battre et à brandir de nouvelles valeurs pour les années à venir.
Merci aux comédiennes Jamila Drissi, Morgiane El Boubsi, Hoonaz Ghojallu et Hassiba Halabi pour son jeu, ses musiques et ses chants.
 
 
Les monologues voilés
 
 
Texte et scénographie : Adelheid Roosen
 
Mise en scène : Adelheid Roosen,,assistée de Isabelle Wéry
 
Dramaturgie : Dirkje Houtman
 
Recherches : Adelheid Roosen et Liesbeth Maas
 
Traduction : Anne Vanderschueren
 
Version scénique : Isabelle Wéry
 
Décor/Vidéo : Adelheid Roosen, Mijke de Jong et Titus Tiel Groenestege
 
Lumière : Geldof, Verhaart et Den Ottolander
 
Costumes : Alain Wathieu
 
Travail du mouvement : Jamila Shoere
 
Affiche : Olivier Wiame
 
Edition du texte : de Nieuwe Toneelbibliotheek
 
 
       
 
 
 

Publié dans Ouvrir les yeux

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R
Un trés beau texte de Jalel El Gharbi :<br /> Brève sémiologie du vêtement où l'on voit que le niqab n'en est pas un.<br /> Le propre du vêtement n'est pas de couvrir la nudité, mais de la sublimer. Les partis du corps ne sont plus que leur galbe ou des formes géométriques. Réduire le vêtement à un voile, c'est réduire<br /> le corps à ses parties honteuses. Un vêtement n'est pas un cache-sexe, encore qu'il existe de beaux sous-vêtements. Le propre du vêtement est d'être doté d'un coefficient beauté, d'être une touche<br /> personnelle, de cacher mais également de laisser voir. Le vêtement est métaphorique : corolle comme pour une fleur, plis comme pour une rose. Il laisse voir un mollet, un bras, la naissance d'une<br /> poitrine qu'il donne pour un tout. La mini-jupe couvre plus que le voile. La mini-jupe suggère que les jambes se prolongent indéfiniment, le niqab laisse voir une nudité couverte. En cela, je<br /> trouve que rien n'est plus impudique que le niqab .<br /> <br /> http://jalelelgharbipoesie.blogspot.com/2012/01/breve-semiologie-du-vetement-ou-lon.html
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R
Dommage,trop loin.. sinon ,j'aurais été voir le spectacle avec plaisir;
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